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Le blog de William Webb Ellis
9 septembre 2007

Le jour J

C’était mal parti. A l’issue du repas de midi de vendredi, Bernie avait poussé une sacrée gueulante. Une dont on se souvient. Le caméraman chargé de tourner les rushs pour le film « Dans les yeux des Dieux bleus du stade », et qui est donc accepté en tant que tel dans l’intimité du XV de France, dira ensuite qu’il doutait que cette séquence puisse être insérée dans le DVD. « Ou alors avec la mention Interdit aux moins de 18 ans, mais ce serait con de se priver de cette cible commerciale » ajouta-t-il.
Bernie l’avait vraiment mauvaise, j’en témoigne.

« Vous le savez, vous n’avez le droit d’utiliser que ………, la marque que Domi teste sur ses propres cheveux. Or, on a retrouvé un flacon de ………, le shampoing vanté par Dimitri Yachvili. Je n’ai rien contre Dimitri, mais vous devez montrer l’exemple nom de Dieu ! ».

La plupart des têtes sont basses. On entend juste Sébastien qui continue de mastiquer son sandwich à la carpe qu’il s’est confectionné à la va-vite avec une prise d’Heymans dans la mare de Marcoussis.

« Fred, il faut que tu fasses un vrai effort » continua le sélectionneur en s’adressant à Michalak. « L’attachée de presse de ……….. m’a appelé, elle est hors d’elle. Quand tu fais une escapade, démerde toi pour aller dans un de ses restaurants, bouffer cette daube que tu proposes dans tous les 4X3 de France. Elle a appris que tu étais allé l’autre jour à La Voie Lactée bouffer une crêpe. Tu déconnes Fred, tu déconnes ! ».

Le Toulousain ne contestait pas avoir fait une entorse aux mesures diététiques draconiennes imposées aux joueurs. Là n’était d’ailleurs pas le problème. Il tentait de se justifier :

- « J’ai pourtant pris la crêpe des champions… ».
- « Y’a quoi dedans ? »
lâcha un Sébastien tout d'un coup intéressé. Faut dire que, lui, rayon shampoing, il a droit à une dérogation avec un produit spécial. Donc, jusque là, il s'en foutait un peu du discours.
- « Steak haché, œuf, poivre, crème fraîche ».
- « Tu déconnes Fred, tu déconnes ! Et ton burger ? »
- « Pourquoi y mettent pas de champignons ? »
- « Ta gueule Seb !!! »

Sébastien grognait doucement, rongeant son frein et, accessoirement, la carpe, qui remuait encore un peu. Bernie se calmait aussi : il avait conscience qu’il ne fallait pas aller trop loin avec son "impact player". Chabal avait bien accepté la composition donnée lundi et son statut de remplaçant, mais ça restait précaire, il ne fallait pas trop le brusquer. D'ailleurs, il avait quand même fallu solliciter Zizou pour faire passer la pilule. Zinedine avait ensuite appelé « Caveman » au téléphone. : « En fait, Bernard te met remplaçant pour que tu gardes du jus : sitôt le match contre l’Argentine terminé, tu prends l’avion pour Milan, Domenech t’attend, il a besoin de toi » qu'il lui a dit. Sébastien avait marché, ne sachant plus depuis 15 jours s’il devait se focaliser sur Hernandez ou sur Gattuso.
Mais le subterfuge s’estompait au fur et à mesure que les évènements se profilaient. « Pourquoi Zizou, il fait une tête avec le ballon de rugby dans le spot pour ………….fr ? » avait demandé le barbu hier soir. « Dans ce cas-là, pourquoi j’aurai pas le droit de le plaquer à Gattuso ? ». Logique. Il avait fallu rappeler Galthié pour qu’il lui explique que, non, là, c’était pour une pub.

Le silence devenait pesant. Le discours d'avant-match de Bernard se poursuivait.

- « J’avais dit aussi : Pas de vin à table. Je sais bien que vous avez pris la cuvée « William Webb Ellis », mais quand même, préférer du Marmandais aux vins de Gaillac, c’est non seulement hors-la-loi par rapport au règlement intérieur, mais c’est aussi faire preuve de mauvais goût ».
Fabien Pelous intervient toujours aussi sobrement :
- « Rien ne vaut le Bordeaux »
Yannick Jauzion pris à son tour la parole :
- « Je suis d’accord avec le coach : c’est du Gaillac qu’il nous faut ! Je propose qu’on prenne chacun un verre de « La cave de la bastide », une heure avant de partir au stade. Pas de problème : j’ai une caisse dans la voiture ».
Michalak se penchait alors vers Heymans pour lui chuchoter quelque chose. D’abord un sourire en coin en devinant que l’autre allait lui sortir une connerie, Cédric tirait ensuite la tronche au fur et à mesure que Fred avançait dans son propos : « J’ai une bouteille d’AOC Fronton dans la chambre, tu sais ce vin de Toulouse que sponsorise Thomas Castaignède ! ».
Rémy Martin se lèva tout d'un coup :
- « Nous, on s’en fout, on boit que la cuvée « Brennus », du Bergeracois pas dégueu » lançait-il au garde-à-vous, la main sur le cœur.
« Calmos : les hymnes, c’est pour tout à l’heure. Je vous propose de réviser « Les règles du jeu ». Justement, j’ai quatre bouteilles avec moi. On est d’accord ? » proposa Jo Maso.

Bernard hésita. C’est du gros packaging ça, 12 litres de rouge, ça fait quand même un peu beaucoup. Mais bon, il faut bien occuper ces derniers instants, se donner un petit coup de fouet en restant dans la plus stricte légalité  : « D’accord. Mais on en garde une pour après le match » trancha-t-il.

Deux heures après, ils étaient fin prêts, peut-être même un peu trop. Finalement, ils avaient goûté un peu à tout, sauf au « Fronton », car Michalak s’était dégonflé, il l'avait laissé dans sa chambre, Bernie l’aurait peut-être mal pris.
Il y avait un peu de désordre. Du vin restait au pied du flipper lorsque Jérôme Thion avait fait tilt. Damien Traille en avait dans les cheveux : touché lors d’une partie à la console video, il avait voulu faire plus réaliste. Avec de la sauce tomate, ça aurait été plus réussi. Dominici et De Villiers, à moitié à poil, se battaient virtuellement devant lui, comme pour le protéger : « Spartiates ! Spartiates ! » hurlaient-ils.

La récréation se termina d’elle-même lorsque le téléphone rouge sonna. Tout le monde savait qui était au bout du fil.
Bernie écouta longtemps, acquiesça plusieurs fois puis pâlit avant de répondre :
« Mais Nicolas, ce n’est pas possible. Un Haka mimant la Marseillaise ! Oui, c’est vrai, on peut mimer la formation du bataillon… L’étendard qui se lève aussi, c’est pas faux. L’égorgement ? Ouais, même si c’est déjà pris. Mais ça me paraît compliqué d’improviser ça maintenant. Tu sais qu’on joue dans quelques heures… De toute façon, ils la chantent pas tous la Marseillaise. Ben, parce que. Ben, Imanol par exemple. C’est contraire à sa religion, tu peux pas aller contre ça. Rappelle toi Michael Jones, les Blacks l'ont toujours laissé faire, il jouait pas le jour de la messe. Leur lire une lettre alors ? Quelle lettre ? ».
Bernard commençait à suer à longues gouttes. Il savait que la situation était chaude depuis la visite de Rachida Dati dans la semaine. Mme la ministre n’avait guère apprécié que certains joueurs partent à la sieste pendant son discours, ou que d’autres la poursuivent (comprendre la sieste…) sur place (voir Midi Olympique du 07/09/07). En partant, elle avait demandé la démission de trois joueurs… Il avait fallu appeler le président, lequel avait prévenu en suivant Cécilia pour qu'elle calme la ministre, et lui rappelle qu’un XV de France, ça ne se gère pas tout à fait comme un cabinet ministériel. Bernie s’attendait à ce que dans trois mois, Mme Dati trouve l’occasion à son tour de lui rappeler qu’un cabinet ministériel, ça ne se gère pas comme un XV de France. « Bon, ok pour la lettre (pour le lien, voir l'analyse de Laurent Bénézech). Mais c’est bien pour te faire plaisir ! ».

Jusque là, tout allait à peu près bien. Mais certains avaient un peu abusé. D’autres se sont plaints de maux de ventre. On a craint l’intoxication alimentaire. Plusieurs sandwichs au jambon Madrange avarié (le GIGN les a envoyés en suivant à l’analyse) avaient été retrouvés dans les chambres. Peut-être un colis piégé venant des Argentins, qui sait, on a déjà vu ça en 1995… En tout cas, les mecs n’étaient pas très fiers quand ils ont pris le bus pour aller au stade : tous blancs comme neige ! Sauf Betsen, mais c’est parce qu’il ne boit pas de vin.
En plus, Sébastien s’est retrouvé coincé aux chiottes, pourtant prévues larges. D'un coup, ceux qui voulaient vomir l'ont fait dans le frigo, là où les premières lignes avaient planqué leurs bières. D'autres montraient leur cul à l'arrière du bus. Parait que Roselyne, qui suivait derrière, avaient les joues rose écrevisse. Quant à l'escorte, on a quand même perdu trois motos en route.
Arrivé à Saint-Denis il a fallu tout péter pour le sortir de là. On était à la bourre, la cérémonie d'ouverture avait débuté. En plus, les joueurs ont laissé des forces à désosser ce bus. Sauf Lionel Nallet, mais c’est parce qu’il voulait pas libérer Chabal. Enfin, tout ça, ça a bien fait marrer Pichot qui observait la scène. La suite, vous la connaissez.



Bon, allez, toute ressemblance etc. n’est que fortuite. Mais j'aurais pourtant pu y être puisque - c'est un scoop que je vous donne - puisque Bernie est déjà venu me voir à Menton. Donc j'ai son adresse. Mais je crois que je vais le laisser tranquille pendant la compétition : un tel "véhicule", dans un tel contexte, c'est pas bon pour mes artères…
Bon, en réalité, voilà à quoi ça ressemblait cet avant-match.
En fait, j’avais pas trop le cœur à revenir sur le match en lui-même. Peut-être un autre jour ?
Alors, je me suis un peu laissé aller… D'où cette déconnade.
En attendant, puisque j’ai l’air de rester sur la ligne de me moquer de tout ce déballage publicitaire, voici pour la route une petite parodie ma foi fort bien réussie.

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